Temps de lecture : 10 min
L’urbanisme façonne nos villes et nos environnements de vie. De ce fait, il est indéniable qu’il influence également de manière significative notre santé et notre bien-être.
Dans un monde où la population urbaine est en constante augmentation, l’impact de l’aménagement urbain devient une problématique clé de santé publique. Ce lien étroit entre les espaces urbains et la santé humaine a donné naissance à un nouveau concept : l’Urbanisme Favorable à la Santé (UFS).
Ce concept a été développé au travers du programme des villes-santé de l’OMS dès 1987 et a été théorisé par l’École des Hautes Études en Santé Publique (EHESP) en France, où les travaux d’UFS se déploient depuis 2010.
L’UFS s’appuie sur une vision globale et dynamique de la santé. Dans cette approche, la santé ne représente pas que les seuls soins, mais bien tout un écosystème de déterminants de notre complet bien-être physique, mental et social.
Alliant vision globale et enjeux de développement durable, l’UFS s’applique donc à favoriser, à court, moyen et long termes, un maximum d’effets positifs de l’aménagement urbain, tout en en minimisant au mieux les effets négatifs.
À l’heure où les déserts médicaux sont devenus la préoccupation première des populations et des collectivités, l’urbanisme devient alors un levier puissant dans la prévention des maladies, dans la promotion de modes de vie sains et dans la réduction des inégalités en matière de santé.
L’Urbanisme Favorable à la Santé en 8 axes
Axe 1 : Réduire les émissions et expositions aux polluants et nuisances
Les villes, avec leur densité de population et de trafic, sont souvent des points névralgiques de pollutions atmosphérique, sonore, lumineuse, visuelle, des sols ou encore de l’eau. Ces pollutions affectent la santé des populations, augmentant par exemple les risques de maladies respiratoires et cardiovasculaires.
L’objectif est de réduire significativement les niveaux de pollution et les nuisances dans les environnements urbains pour améliorer la santé et le bien-être des habitants.
Exemples de stratégies à adopter :
- Création de zones à faibles émissions
- Créer davantage d’espaces verts
- Renforcer les normes de construction pour l’isolation phonique
Axe 2 : Promouvoir des modes de vie favorables à la santé
Le mode de vie urbain moderne peut souvent conduire à la sédentarité et à de mauvaises habitudes alimentaires, augmentant le risque de maladies chroniques telles que l’obésité ou le diabète.
Le but est alors d’encourager des modes de vie sains, notamment par une activité physique régulière et une alimentation équilibrée.
Exemples de stratégies à adopter :
- Créer des infrastructures favorisant l’exercice physique
- Promouvoir les marchés locaux proposant des produits frais
- Élaborer des programmes éducatifs autour de la nutrition et de l’activité physique
Axe 3 : Favoriser la cohésion sociale et le bien-être des habitants
L’isolement social et le manque d’interaction communautaire peuvent avoir des impacts négatifs sur la santé, physique et mentale, et le bien-être des populations.
Au travers d’initiatives communautaires et d’espaces publics plus accueillants, il est possible de renforcer le sentiment d’appartenance communautaire, de réduire l’isolement social et d’améliorer la santé mentale des habitants.
Exemples de stratégies à adopter :
- Développer des espaces multifonctionnels favorisant les rencontres et les échanges
- Organiser des événements et des activités pour la population
- Développer un programme de soutien pour les personnes isolées
Axe 4 : Permettre l’accès aux soins et aux services socio-sanitaires
L’accès inégal aux soins de santé et aux services sociaux est un problème majeur dans de nombreuses villes, impactant particulièrement les populations défavorisées.
L’objectif de cet axe est de garantir un accès équitable et simple aux soins de santé et aux services sociaux pour tous les citadins.
Exemples de stratégies à adopter :
- Renforcer les infrastructures de santé, notamment dans les zones défavorisées
- Développer des programmes de santé mobiles et des services en ligne pour une meilleure accessibilité
- Intégrer des services de santé et sociaux dans les projets d’aménagement urbain
Axe 5 : Réduire les inégalités de santé entre les différents groupes socio-économiques et améliorer l’attention portée aux personnes vulnérables
Les inégalités socio-économiques se manifestent souvent par des disparités en matière de santé, les populations vulnérables étant les plus touchées. Ces inégalités de santé aboutissent par ailleurs à des différences significatives sur l’espérance de vie.
On vise ici à réduire les inégalités de santé, en accordant une attention particulière aux besoins des personnes vulnérables.
Exemples de stratégies à adopter :
- Favoriser les politiques de logement et d’urbanisme visant à réduire la ségrégation socio-économique
- Agir pour un accès équitable aux ressources de santé et de bien-être
Axe 6 : Soulever et gérer les antagonismes entre les différentes politiques publiques
Les politiques d’urbanisme peuvent parfois entrer en conflit avec les objectifs de santé publique, et ainsi créer des antagonismes.
Il est crucial d’identifier et de résoudre les conflits entre les différentes politiques d’urbanisme pour assurer une approche cohérente et favorable à la santé.
Exemples de stratégies à adopter :
- Évaluer l’impact sanitaire de toutes les nouvelles politiques et projets d’urbanisme
- Déployer une coordination intersectorielle pour harmoniser les objectifs de santé publique avec les politiques d’urbanisme
- Mettre en place des processus décisionnels transparents et inclusifs
- Consulter la liste des espèces végétales allergisantes pour végétaliser avec les bonnes essences
- Favoriser l’infiltration de l’eau en s’assurant de ne pas créer de points d’eau stagnante propices au développement des moustiques
Axe 7 : Mettre en place des stratégies favorisant l’intersectorialité et l’implication de l’ensemble des acteurs concernés, dont les citoyens
Le succès des actions d’urbanisme favorable à la santé dépend de la collaboration entre les différents secteurs et de l’engagement des citoyens.
L’objectif est de favoriser une approche intersectorielle de l’urbanisme et de la santé, et d’impliquer tous les acteurs, y compris les citoyens, dans la planification urbaine.
Exemples de stratégies à adopter :
- Programmer des forums et des ateliers participatifs pour impliquer les citoyens dans la planification urbaine
- Collaborer et partager connaissances et ressources entre les secteurs de la santé, de l’urbanisme, de l’éducation, du social…
Axe 8 : Penser un projet adaptable et prendre en compte l’évolution des modes de vie
Les modes de vie évoluent rapidement, influencés par des facteurs tels que les changements climatiques, technologiques ou encore socioculturels.
Il est indispensable de développer des projets d’urbanisme flexibles et adaptatifs, capables de répondre aux changements et aux besoins des citadins de demain.
Exemples de stratégies à adopter :
- Prévoir une planification urbaine flexible pour accommoder l’évolution des modes de vie et des technologies
- Évaluer et réviser périodiquement les projets urbains pour assurer leur pertinence et efficacité
- Intégrer la technologie pour améliorer l’adaptabilité et la réactivité des environnements urbains
Stratégies et solutions innovantes au service de l’UFS
L’Urbanisme Favorable à la Santé se base initialement sur du bon sens. Cette démarche peut être activée avec des solutions simples telles que :
- la création de zones piétonnes pour réduire la pollution et encourager la marche
- l’aménagement de parcs et d’espaces verts accessible, apportant ainsi des zones ombragées et une meilleure qualité de l’air
- le développement de réseaux de pistes cyclables sécurisées, permettant de favoriser l’activité physique des habitants et de réduire la pollution
- la création de jardins partagés pour renforcer les liens communautaires et favoriser une alimentation saine et locale
- l’aménagement de bancs publics et d’aires de repos, permettant de rendre l’extérieur accessible à tous, même aux personnes les plus fragiles
Avec l’évolution rapide de la technologie et l’émergence de nouvelles approches en matière d’aménagement urbain, plusieurs villes à travers le monde ont commencé à mettre en œuvre des solutions créatives pour promouvoir la santé et le bien-être de leurs citoyens.
- Utilisation de technologies vertes et durables :
- Intégration de technologies de pointe dans la construction et la gestion des bâtiments pour réduire l’empreinte écologique et améliorer la qualité de vie (bâtiments intelligents, toits verts, etc.).
- Développement de systèmes de transport intelligents pour optimiser la mobilité urbaine et réduire la pollution.
- Design urbain basé sur les données :
- Utilisation de données collectées pour informer la planification urbaine, assurant que les développements répondent aux besoins réels des résidents.
- Mise en œuvre de l’analyse des données pour optimiser l’emplacement des espaces verts, des installations sportives et des services de santé.
- Promotion de l’urbanisme participatif :
- Encouragement de la participation citoyenne dans la planification urbaine pour garantir que les projets répondent aux besoins locaux.
- Utilisation d’outils numériques et de plateformes en ligne pour faciliter l’engagement communautaire dans le processus de planification.
- Solutions basées sur la nature :
- Intégration de solutions basées sur la nature pour atténuer les effets du changement climatique et améliorer la santé publique (espaces verts urbains, corridors écologiques, etc.).
- Utilisation de la biodiversité urbaine comme un moyen de promouvoir le bien-être mental et physique.
Voici quelques exemples concrets d’une démarche UFS basée sur l’alliance du bon sens et des avancées technologiques :
- Copenhague, Danemark
Connue pour son engagement envers l’environnement, Copenhague se distingue par l’utilisation de technologies de pointe pour surveiller la qualité de l’air, la gestion des déchets, le trafic et la consommation d’énergie. La ville encourage fortement l’usage du vélo, avec la moitié de ses résidents se rendant au travail à vélo.
- Växjö, Suède
Cette ville a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 58% entre 1993 et 2016. Elle s’est engagée dans la construction de bâtiments publics en bois et dans le développement d’infrastructures innovantes comme une centrale biomasse alimentant 90 % des foyers en eau chaude et chauffage.
- San Francisco, États-Unis
San Francisco a adopté une politique ambitieuse de recyclage avec 80 % des déchets de la ville recyclés. La ville a également mis en place des mesures pour limiter l’utilisation de déchets non recyclables et interdit certains polluants comme les gobelets en polystyrène.
- Medellín, Colombie
La ville utilise des corridors écologiques pour améliorer la qualité de l’air. Medellín a également mis en place un réseau de pistes cyclables et utilise des bus électriques.
- Paris, France
Paris a mis en œuvre un plan d’action pour le climat, incluant la création de plus de 700 km de pistes cyclables et la mise au vert de 240 écoles pour, notamment, limiter l’effet de chaleur urbaine, favoriser l’activité physique des élèves et garantir l’accès à un espace vert de proximité pour les parisiens.
- La Haye, Pays-Bas
La ville a instauré un système de points pour encourager la construction de bâtiments écologiques et respectueux de la nature. Les architectes et les promoteurs sont tenus d’inclure la verdure et la nature dans leurs programmes de construction.
- Chicago, États-Unis
Utilisation de capteurs pour collecter des données en temps réel sur le climat, la qualité de l’air et le bruit. La ville a également mis en place des tableaux de bord personnalisés pour la consommation d’énergie des bâtiments.
- Barcelone, Espagne
La ville utilise des lampadaires intelligents qui s’ajustent en fonction de l’activité des piétons, ainsi que des technologies IoT (Internet des Objets) pour surveiller et contrôler l’irrigation des parcs et les niveaux d’eau dans les fontaines publiques.
Pour en savoir plus :
Comment les smart cities utilisent-elles les nouvelles technologies pour « passer au vert » ?
6 des meilleurs programmes de villes durables dans le monde
L’Urbanisme Favorable à la Santé : un levier actionnable localement
Ainsi, les politiques publiques jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre de l’urbanisme favorable à la santé puisqu’elles fournissent le cadre réglementaire, les incitations et les ressources nécessaires pour orienter le développement urbain vers des objectifs de santé et de bien-être.
Les collectivités locales sont au plus proches des besoins spécifiques de leurs populations. Leur rôle est essentiel dans la mise en œuvre des politiques et des projets d’urbanisme. Ce sont elles qui ont le pouvoir d’encourager la participation communautaire, et de s’assurer que les initiatives locales sont alignées avec les objectifs globaux de santé publique.
L’UFS est un levier innovant et efficace pour améliorer l’état de santé des populations. Il est au service d’une vision à long terme avec des effets bénéfiques pérennes.
L’avenir de l’urbanisme favorable à la santé est plein de possibilités. En intégrant des considérations de santé dans chaque aspect de la planification et du design urbain, nous pouvons transformer nos villes en lieux où la santé et le bien-être sont prioritaires. Les villes de demain devraient être des espaces où tous les citoyens ont accès à un environnement sain, où les communautés prospèrent dans un cadre de vie équilibré et inclusif.
Pour en savoir plus sur l’intégration de la santé dans toutes les politiques publiques.
Retrouvez ici le guide de l’EHESP “Agir pour un urbanisme favorable à la santé”.
Découvrez le guide ISadOrA – une démarche d’accompagnement à l’Intégration de la Santé dans les Opérations d’Aménagement urbain.
L’ADEME a publié un Booster de l’Urbanisme Favorable à la santé, retrouvez leur cahier d’idées à explorer et déployer.