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Le Service d’Accès aux Soins : un enjeu fort dans les politiques de santé publique

 

L’amélioration de la gestion des demandes de soins non programmés (SNP) est devenu un enjeu politique fort ces dernières années. Elle était d’ailleurs l’un des points clés de la stratégie Ma Santé 2022 engagée par le gouvernement en 2019. 

Par ailleurs, les urgences hospitalières sont, malgré elles, devenues le symbole des dysfonctionnements de l’organisation des soins en France. Le gouvernement s’est d’ailleurs positionné en faveur d’un renforcement de la collaboration entre la Ville et l’Hôpital sur ces sujets.

C’est notamment dans ce cadre-là que le dispositif du Service d’Accès aux Soins (SAS) a été mis en place, en tant que première mesure du Pacte de Refondation des Urgences lancé par le gouvernement en septembre 2019. Objectif : désengorger les urgences tout en répondant, à tout moment, aux demandes de soins des patients.

 

Le Service d’Accès aux Soins comme réponse aux problématiques de l’organisation de la santé et des soins en France ?

 

Soins non programmés ou urgences médicales ?

 

La représentation de l’urgence diffère énormément entre la définition qu’en font les professionnels de santé et la façon dont elle est perçue par les patients. 

Pour les premiers, elle représente un état de santé appelant à une prise en charge médicale ou chirurgicale immédiate, tandis que pour les seconds il s’agit davantage d’un besoin de soins soudain et/ou inquiétant. 

En définition, les soins non programmés sont donc des soins répondant à une urgence ressentie par le patient mais ne relevant pas médicalement de l’urgence et ne nécessitant pas une prise en charge par les services hospitaliers.

 

Une offre de soins en Ville insuffisante

 

Les demandes de soins non programmés font déjà partie intégrante de l’activité quotidienne des médecins généralistes. En 2004, ces demandes de SNP représentaient 12 % de l’activité des médecins généralistes. Désormais, pour 4 médecins libéraux sur 10, ces demandes représentent plus de 30% de leur activité hebdomadaire. Un quart des médecins généralistes déclare même ne pouvoir prendre en charge que moins de la moitié des demandes.

Lorsqu’ils ne peuvent répondre favorablement aux demandes de SNP plus de la moitié des médecins déclarent réorienter les patients vers un confrère, une structure d’exercice coordonné ou une structure spécialisée dans les soins non programmés. Près de 30% d’entre eux redirigent les patients vers le 15 ou les urgences.

Aujourd’hui, près de 80% des médecins libéraux ressentent fortement la baisse de la démographie médicale et jugent insuffisante l’offre de médecine générale sur leur territoire d’exercice. En outre, de plus en plus de médecins libéraux (65% en 2022) refusent de prendre en charge de nouveaux patients et 40% des généralistes réservent leurs créneaux d’urgence à leur patientèle.

Schéma représentant les difficultés actuellement rencontrées par les usagers dans leur orientation pour trouver une réponse à leur demande de soins non programmés (SNP)

PDSA : un dispositif complexe et méconnu des patients

 

En dehors des plages d’ouverture des cabinets médicaux, la réponse aux besoins de soins non programmés est assurée par la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Celle-ci est censée permettre l’accès aux soins à toute la population et à toute heure. 

Cependant l’organisation de cette permanence est complexe et parfois peu lisible, ce qui la rend moins efficace. En outre, depuis la fin de l’obligation de garde des médecins libéraux décidée avec la réforme Mattei (2002), la PDSA ne repose plus que sur les médecins libéraux volontaires, de moins en moins nombreux du fait de l’augmentation constante de l’activité de soins programmés et du manque d’attractivité de ces astreintes.

S’ajoute à cela une réelle méconnaissance des patients envers les dispositifs pouvant répondre à leur besoin de soins et envers le fonctionnement de la régulation. Nombreux sont ceux qui se présentent aux urgences, à toute heure de la journée, sans y avoir été orientés au préalable. 

Les urgences hospitalières, ne disposant pas des ressources nécessaires pour faire face à cette suractivité, se retrouvent contraintes à mettre en place des filtrages à l’entrée de leurs services ou bien même à devoir fermer leurs portes.

 

Un engorgement toujours croissant des services d’urgences hospitaliers

 

Depuis 20 ans, la fréquentation des urgences hospitalières aurait augmenté de 3,5% chaque année. Et, bien que les services d’urgences soient de plus en plus décriés par les patients, ils restent la première réponse aux besoins de soins grandissants de la population, auxquels l’offre de soins libérale ne parvient pas toujours à répondre. 

Les statistiques des dernières années montrent qu’au moins 20% des passages aux urgences pourraient être pris en charge par la médecine de Ville. Dans les faits, nombreuses sont les demandes de SNP qui se trouvent dirigées vers les services hospitaliers d’urgence. 

Dans la majorité des cas, il s’agit d’une orientation spontanée de la part des patients en réponse à une incapacité de leur offre de soins de proximité à répondre à leur besoin. Ce recours inadapté aux urgences hospitalières, en croissance constante, est responsable de l’engorgement de ces services et met en péril la continuité et la permanence des soins.

 

Comprendre le fonctionnement du Service d’Accès aux Soins

 

La clé du SAS : une régulation efficace et lisible

 

Le dispositif du SAS a été voulu pour répondre à un double enjeu : garantir l’accès aux soins urgents ou non programmés, pour tou.te.s, partout et à toute heure, et optimiser l’usage des ressources hospitalières et libérales, notamment le recours aux services d’urgences hospitaliers.

Dans la pratique, le SAS est un service à distance s’articulant autour de deux plateformes, l’une téléphonique et l’autre numérique.

Une régulation libérale via la plateforme téléphonique du SAS-SAMU (dont le numéro reste le 15) est prévue en parallèle de la régulation hospitalière portée par le SAMU-Centre 15.

Cette régulation est assurée par des Assistants de Régulation Médicale (ARM) et des Opérateurs de Soins Non Programmés (OSNP) qui réceptionnent les appels et qualifient le besoin et le degré d’urgence de soins du patient.

Au besoin, les ARM et les OSNP peuvent orienter l’appel vers un médecin régulateur, hospitalier ou libéral, pour conduire un interrogatoire médical plus approfondi. Celui-ci oriente ensuite le patient vers le parcours de soins correspondant le mieux à sa situation en fonction du besoin, ou non, de prise en charge médicale et du degré d’urgence de celle-ci.

Schéma représentant le fonctionnement du Système d'Accès aux Soins (SAS) comme pivot dans l'orientation des demandes de soins non programmés (SNP)

Le SAS pour une meilleure orientation médicale des patients

 

Dans le cas d’une urgence médicale, le patient sera renvoyé vers un service d’urgence ou bien un SMUR sera mobilisé pour lui.

Dans le cas d’une demande de SNP, le médecin régulateur pourra effectuer une téléconsultation ou bien prendre un rendez-vous sous 48 heures pour le patient chez un praticien du territoire participant au SAS. Les créneaux de rendez-vous disponibles sont centralisés sur un agenda partagé au sein du portail numérique du SAS, accessible aux professionnels de santé participant au dispositif.

Dans le cas où le patient ne nécessite pas de prise en charge médicale hospitalière ou libérale, le médecin régulateur peut alors l’orienter vers une pharmacie de garde, un centre antipoison, un réseau gériatrique, un service psychiatrique ou encore un Dispositif d’Appui à la Coordination (DAC) du territoire.

 

Le Service d’Accès aux Soins repose sur une coordination des médecines de ville et hospitalière

 

Pensé au départ comme un outil palliatif à la problématique hospitalière, le SAS se révèle finalement être un dispositif hybride. En effet, il permet une meilleure coordination de la Ville et de l’Hôpital dans l’orientation des patients en demande de soins urgents et/ou inopinés.

Pour que le SAS fonctionne au mieux, il est nécessaire qu’une culture commune se développe entre médecins urgentistes et médecins généralistes. Mais surtout, tous doivent être d’accord sur la distinction faite en l’urgence médicale et la demande de soins non programmés.

Il est également nécessaire que les professionnels de santé, en hôpital et en ambulatoire, s’investissent à parts égales dans le dispositif pour que chacun dispose des créneaux et ressources nécessaires pour recevoir les patients qui en ont besoin.

 

Un renforcement du SAS ces prochaines années ?

 

Le 24 avril 2023, François Braun, alors Ministre de la Santé, a annoncé le lancement d’une mission chargée d’accompagner la généralisation du Service d’accès aux soins dans toutes les régions de France.

En parallèle, un avenant a été signé entre l’Assurance Maladie et les syndicats des professionnels de santé libéraux. Celui-ci rend obligatoire la participation des Communautés Professionnelles Territoriales de Santé (CPTS) à l’organisation du SAS dans le cadre de la mission socle “Prendre en charge les SNP en Ville”. 

En outre, une nouvelle stratégie nationale de santé (SNS 2023-2027) est attendue prochainement. On peut raisonnablement supposer que les sujets des soins non programmés et du SAS y occuperont une place importante.

 

Rendez-vous sur le site du Ministère de la Santé et de la Prévention pour tout savoir sur le SAS.