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En France, la santé mentale est un sujet de préoccupation croissante, tant pour les pouvoirs publics, à toutes échelles, que pour la population. En 2023, une étude IPSOS (WORLD MENTAL HEALTH DAY 2023 – A global advisor survey) indique que 81% des Français pensent que la santé mentale est aussi importante que la santé physique (contre 73% en 2022).
Alors que les besoins en matière de prise en charge psychologique et psychiatrique ne cessent d’augmenter, l’importance d’une approche adaptée et localisée devient de plus en plus évidente. Les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) représentent une réponse innovante à ces enjeux. En proposant une gestion localisée de la santé mentale, ces conseils engagent divers acteurs d’un même territoire autour d’un projet commun.
Portrait des CLSM
Qu’est-ce qu’un Conseil Local de Santé Mentale ?
Un Conseil Local de Santé Mentale est une instance de coordination, de collaboration et de concertation qui réunit divers acteurs locaux de la santé mentale. Le CLSM se construit autour de l’objectif de développer des stratégies adaptées aux besoins spécifiques des populations locales en matière de santé mentale.
Les CLSM peuvent rassembler des élus locaux, des professionnels de la santé, du secteur psychiatrique, des représentants des usagers, des aidants, ainsi que des acteurs sociaux et médico-sociaux.
Il s’agit ainsi d’un dispositif essentiel pour la gouvernance locale de la santé mentale dont la mission principale est de promouvoir la santé mentale à travers la prévention, la lutte contre la stigmatisation, et l’amélioration des parcours de soins.
En 2023, on compte près de 270 CLSM en France. Leur pertinence et leur efficacité ont été particulièrement mises en lumière à la suite de la pandémie de COVID-19.
Vidéo explicative au sujet du CLSM, réalisée par le Centre National de Ressources et d’Appui aux CLSM :
Histoire et développement des CLSM en France
Les CLSM ont été initiés en 1982, mais leur développement a pris un véritable tournant en 2007, avec l’embauche de la première coordonnatrice nationale des CLSM. Un plaidoyer actif s’est alors initié en faveur de leur déploiement et d’un accompagnement renforcé des territoires. Cela s’est traduit par une réelle accélération dans leur création à partir de 2012.
Depuis 2017, avec leur inscription dans la loi, les CLSM ont connu une croissance significative. La crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 a exacerbé les besoins en santé mentale, confirmant le rôle indispensable des CLSM dans la coordination de réponses locales adaptées.
Les CLSM couvrent majoritairement des territoires urbains et semi-urbains (95 %). Ils s’appliquent généralement sur une seule commune, cependant, on observe une tendance croissante à s’étendre à l’échelle intercommunale.
En moyenne, un CLSM couvre 107 000 habitants, mais on peut observer une grande amplitude dans la taille de la population prise en compte selon le territoire dans lequel ils sont implantés (de 13 000 à 525 000 habitants).
Missions des CLSM : Accès aux Soins, Prévention et Intégration Sociale
Les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) poursuivent plusieurs objectifs clés qui visent à améliorer la gestion de la santé mentale au niveau local. Ces objectifs constituent le cœur de leurs missions et orientent toutes leurs actions et initiatives.
- Promotion de l’accès aux soins – Les CLSM œuvrent à garantir que chaque individu, quel que soit son contexte ou sa situation géographique, ait un accès équitable aux services de santé mentale. Cela implique souvent la mise en place de réseaux de soins coordonnés et la simplification des parcours de soins pour les usagers, en veillant à ce que les transitions entre les soins aigus, les soins continus et les services communautaires soient fluides et efficaces.
- Prévention des troubles psychiques – Un autre objectif majeur de ces structures est la prévention des troubles psychiques. Cela peut inclure des programmes de sensibilisation, destinés à détecter les symptômes dès les prémices de leur apparition, des campagnes d’information pour le grand public et des initiatives éducatives dans les écoles et les lieux de travail.
- Amélioration de l’intégration sociale des usagers – Ils s’engagent activement à favoriser l’inclusion sociale des personnes souffrant de troubles mentaux. Ils développent pour cela des programmes qui encouragent l’intégration dans la communauté, soutiennent l’emploi des personnes concernées, et favorisent leur participation active à la vie sociale.
Qui sont les acteurs des Conseils Locaux de Santé Mentale ?
Les porteurs du Conseil Local de Santé Mentale : rôles et responsabilités
Le plus souvent les porteurs de projets d’un Conseil Local de Santé mentale sont les suivants :
Les mairies, conseils départementaux et autres institutions locales, sont des acteurs majeurs dans la mise en place des CLSM. Leur connaissance du terrain et leur proximité avec les citoyens leur permettent d’identifier les besoins spécifiques en santé mentale et de contribuer activement à la conception et à la mise en œuvre des actions.
Les Agences Régionales de Santé fournissent le cadre réglementaire, le soutien financier et les orientations stratégiques. Leur implication garantit que les CLSM s’alignent sur les objectifs régionaux et nationaux de santé et qu’ils bénéficient des ressources nécessaires pour fonctionner efficacement.
Les hôpitaux psychiatriques, les Centres Médico-Psychologiques (CMP) et tout autre acteur spécialisé en santé mentale sont également des porteurs essentiels des CLSM. Leur expertise est cruciale pour le développement de programmes et de parcours de soins efficaces.
La synergie entre ces acteurs est par ailleurs fondamentale dans le succès de la mise en œuvre d’un CLSM et pour garantir son efficacité et son intégration dans les politiques de santé locales.
Un Conseil Local de Santé Mentale est un écosystème collaboratif
En plus des porteurs de projets, les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) rassemblent un large éventail de partenaires issus de divers horizons, chacun apportant une expertise et une perspective unique permettant d’assurer une approche globale et inclusive de la santé mentale.
En premier lieu, on retrouve les professionnels de santé (psychiatres, médecins généralistes, infirmiers, …) et les psychologues. Leur expertise clinique est indispensable pour évaluer les besoins de la population, proposer des interventions appropriées, et coordonner les soins. Ils contribuent également à la formation et à la sensibilisation des autres acteurs et du grand public sur les questions de santé mentale.
La participation des usagers de services de santé mentale et de leurs familles est également cruciale pour s’assurer que les actions des CLSM répondent réellement aux besoins des personnes concernées. Les représentants d’usagers apportent un regard structurant et empirique favorisant une meilleure prise en compte des droits et des attentes des personnes atteintes de troubles psychiques.
Les travailleurs sociaux, éducateurs spécialisés et autres acteurs du secteur médico-social ont pour rôle de garantir que les initiatives de santé mentale prennent en compte les dimensions sociales et économiques des problèmes de santé mentale. Ils agissent notamment dans des actions d’accompagnement des usagers vers l’autonomie et l’inclusion sociale.
Les associations œuvrant dans le champ de la santé mentale apportent leur expertise, leur réseau et leur capacité à mobiliser la communauté autour des questions de santé mentale. Ce sont souvent ces associations qui sont à l’origine de projets innovants et de campagnes de sensibilisation locales.
Comment fonctionnent les CLSM ?
Organisation et gouvernance des Conseils Locaux de Santé Mentale
Chaque CLSM s’organise autour de plusieurs instances : un comité de pilotage (COPIL) et des groupes de travail thématiques, ainsi qu’une assemblée plénière annuelle.
Le COPIL constitue l’instance stratégique, fixant les priorités de travail sur la base d’un diagnostic local des besoins. Les groupes de travail opérationnels, quant à eux, se concentrent sur des thématiques spécifiques en cohérence avec le contexte et les besoins locaux.
L’assemblée plénière permet de réunir l’ensemble des partenaires pour faire le bilan des actions et réfléchir aux perspectives futures.
L’animation et la gestion des activités du Conseil Local de Santé Mentale reposent majoritairement sur un coordonnateur de CLSM, dont les fonctions sont indispensables à la pérennité du dispositif.
Le CLSM : un outil de collaboration intersectorielle
À l’image de nombreux outils de santé publique actuels, les Conseils Locaux de Santé Mentale encouragent la collaboration intersectorielle. Celle-ci est essentielle pour aborder efficacement les défis complexes de la santé mentale dans les communautés.
Les CLSM peuvent, par ailleurs, être intégrés dans les Contrats Locaux de Santé (CLS), ce qui permet d’aligner les actions de santé mentale avec les stratégies de santé globales du territoire et de bénéficier d’un plus grand soutien pour leur mise en œuvre.
Le fonctionnement des CLSM repose pour beaucoup sur des outils collaboratifs et participatifs tels que :
- Des espaces de dialogue impliquant tous les acteurs concernés ;
- Des partages de ressources et de compétences entre institutions et organisations partenaires ;
- Des protocoles intersectoriels, pour s’assurer que les interventions en santé mentale sont pertinentes et efficaces ;
- Des projets pilotes testant de nouvelles approches qui font que les CLSM sont bien souvent à l’avant-garde de l’innovation en matière de santé mentale.
Un financement majoritairement local des CLSM
Le financement des CLSM est assuré par plusieurs sources, mais on constate une implication prédominante de la part des collectivités territoriales, via des budgets alloués à la santé publique, à la politique sociale ou encore directement aux projets liés à la santé mentale. Les Agences Régionales de Santé (ARS) sont également d’importants financeurs, au travers de fonds d’intervention régionale (FIR) ou d’appels à projets dans les cadre des Projets Territoriaux de Santé Mentale (PTSM). En outre, ces deux entités participent souvent au financement du poste de coordination des CLSM.
Les CLSM peuvent également établir des partenariats avec des organismes de protection sociale telle que la Caisse d’Allocations Familiales (CAF) ou des partenariats privés avec des entreprises locales, des mutuelles ou encore des fondations, qui mobilisent des fonds dans le cadre de leurs actions de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE).
À l’heure actuelle, un peu moins de la moitié des CLSM (45%) dispose d’un budget propre, spécifiquement dédié aux actions en faveur de la santé mentale. Or, l’autonomie budgétaire d’un Conseil Local de Santé Mentale permet de mieux pouvoir planifier les projets et les actions, mais aussi d’améliorer leur réactivité face aux besoins émergeant dans les territoires.
Quel impact des CLSM sur la prise en charge de la santé mentale ?
Le rôle des CLSM dans les parcours en santé des individus
Les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) ont un impact significatif sur le parcours de soins des individus souffrant de troubles psychiques. Grâce à la coordination et à la concertation des différents acteurs, les CLSM facilitent l’orientation des patients vers les services appropriés, réduisant ainsi les délais d’attente et améliorant l’accès et la continuité des soins.
Les CLSM permettent également de mieux adapter les interventions aux besoins spécifiques des individus. En réunissant professionnels de santé, travailleurs sociaux et représentants d’usagers, ils favorisent une approche personnalisée qui prend en compte les aspects médicaux, psychologiques et sociaux des troubles mentaux.
En outre, les CLSM jouent un rôle crucial dans la prévention des rechutes et la réduction des hospitalisations en urgence. Par des actions de suivi régulier et de soutien continu, ils aident les individus à maintenir leur stabilité psychique et à gérer plus efficacement les crises, ce qui améliore leur qualité de vie à long terme.
Le Haut Conseil de Santé Publique a notamment publié un avis relatif à l’impact du COVID-19 sur la santé mentale dans lequel le rôle des CLSM est positivement mis en avant quant à son efficience.
Autre ressource mettant en lumière l’impact grandissant des ces dispositifs, le Centre national de ressources et d’appui publie régulièrement un état des lieux sur le fonctionnement des CLSM. Ce document présente une cartographie des CLSM en France, apporte une connaissance détaillée du fonctionnement de ceux-ci et valorise leurs actions.
Conseil Local de Santé Mentale : quels bénéfices pour la vie communautaire ?
Au-delà des bénéfices individuels, les CLSM ont un impact profond et positif sur la communauté dans son ensemble, notamment grâce à leurs actions visant à réduire la stigmatisation associée aux troubles mentaux. En sensibilisant le public et en menant des campagnes d’information, les CLSM contribuent à changer les perceptions et à promouvoir une vision plus inclusive de la santé mentale.
Cela passe notamment par des programmes d’actions dans les écoles, des formations pour les professionnels de divers secteurs et des événements communautaires qui mettent en avant les témoignages des personnes concernées et les succès des initiatives locales.
Défis et perspectives pour les Conseils Locaux de Santé Mentale
Malgré leur importance et leur efficacité, les Conseils Locaux de Santé Mentale (CLSM) rencontrent encore des défis pouvant entraver leur développement et la portée de leurs actions.
L’un des obstacles majeurs reste le financement. Comme nous l’avons vu précédemment, les CLSM dépendent majoritairement de financements publics, qui se retrouvent bien souvent insuffisants face aux besoins croissants.
En outre, la coopération intersectorielle, bien que cruciale, reste difficile à mettre en place et à pérenniser en raison de la diversité des acteurs impliqués et de leurs objectifs parfois divergents. Aligner les intérêts des professionnels de santé, des services sociaux, des élus et des représentants d’usagers nécessite un travail continu de coordination et de communication.
Enfin, il est absolument essentiel que les CLSM gagnent en visibilité et en reconnaissance par les acteurs locaux et par le grand public pour que leurs actions puissent avoir une portée croissante et un impact toujours plus grand sur la prévention et la prise en charge en santé mentale des individus.
Les perspectives d’avenir pour les CLSM restent plutôt prometteuses, car les enjeux de santé mentale sont de plus en plus pris en considération dans l’objectif d’améliorer la santé et le bien-être des populations.
En favorisant la coordination des actions locales, en impliquant une grande variété d’acteurs et en mettant en œuvre des initiatives innovantes, ils contribuent significativement à améliorer les parcours de soins, à lutter contre la stigmatisation et à renforcer l’inclusion des personnes souffrant d’un trouble mental.
Pour aller plus loin sur le sujet, vous pouvez consulter le site internet du Centre National de Ressources et d’Appui aux CLSM.
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