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Le 23 janvier 2025, est une date à marquer d’une pierre blanche pour le système de santé français. Avec l’adoption de la loi sur les ratios soignants/patients, le Parlement a posé les bases d’une transformation profonde du paysage hospitalier.
Cette réforme, soutenue par une large majorité (138 voix pour et seulement 3 contre), ambitionne de répondre à une crise historique en offrant des conditions de travail plus dignes aux soignants et une prise en charge optimale pour les patients.
Inspirée par des modèles internationaux, tels que les hôpitaux magnétiques, cette réforme ouvre de nouvelles perspectives. Mais que contient précisément cette loi, et pourquoi pourrait-elle changer la donne ?
Une loi historique pour stopper la crise hospitalière
Contexte de la loi ratios soignants/patients
Adoptée dans un contexte de pénurie dramatique, avec plus de 60 000 postes infirmiers vacants en 2025 (contre 34 000 en 2021 d’après les chiffres de la Fédération Hospitalière de France), cette loi, portée par le député Guillaume Garot et adoptée au Sénat dès février 2023, a connu plusieurs retards avant son examen définitif à l’Assemblée nationale. Cette pénurie de professionnels hospitaliers se traduit par des conditions de travail dégradées, un épuisement généralisé et un manque criant de reconnaissance.
La conséquence est un cercle vicieux : des équipes surchargées, une qualité des soins en baisse et un sentiment d’abandon chez les patients comme les soignants. Cela a poussé de nombreux professionnels à quitter l’hôpital.
Concrètement, cette loi impose un seuil minimal de soignants par patient, adapté à chaque spécialité et chaque type d’établissement, sous la supervision de la Haute Autorité de Santé (HAS).
Les établissements disposent de deux ans pour recruter et s’organiser afin de respecter ces ratios. Sa mise en œuvre sera progressive, avec une application complète prévue d’ici 2027.
Bénéfices attendus dans les hôpitaux grâce à cette loi
Cette réforme apporte plusieurs avantages. En fixant des ratios optimaux, elle ambitionne de réduire les risques pour les patients, (infections nosocomiales, ruptures de parcours…), tout en garantissant des soins de meilleure qualité.
Elle vise également à renforcer l’attractivité des métiers hospitaliers en recrutant et en fidélisant les soignants grâce à une amélioration significative de leurs conditions de travail. Cette approche permettrait non seulement de limiter l’épuisement professionnel, qui affecte aujourd’hui de nombreuses équipes surchargées, mais aussi de recréer un environnement de travail plus humain et motivant.
En Californie, où des ratios similaires ont été imposés dès 2004, les résultats sont clairs : une diminution de la mortalité hospitalière, une meilleure attractivité des hôpitaux et des économies à moyen terme grâce à une réduction des hospitalisations prolongées.

Succès concret : L’exemple du CH de Bourges
Le Centre Hospitalier de Bourges a démontré les impacts positifs d’une gestion proactive, en anticipant les besoins avant même l’application de la loi.
En 2024, il a réduit de 30 % le recours à l’intérim médical, grâce au recrutement de 43 médecins et 12 praticiens diplômés hors Union européenne. Côté paramédical, le nombre de postes infirmiers vacants a été divisé par deux, et tous les postes d’aides-soignants ont été pourvus.
En outre, cet établissement met déjà en œuvre des principes alignés avec ce modèle :
• Organisation en douze heures : dans trois services (réanimation, pneumologie et soins palliatifs), cette organisation améliore la qualité de vie au travail et diminue l’absentéisme.
• Création d’un fonds de dotation dédié : ce fonds vise à renforcer l’accueil des patients, la qualité de vie au travail et à moderniser les équipements.
• Focus sur les ressources prioritaires : bien qu’il ait dû fermer des lits non essentiels, l’hôpital a concentré ses efforts sur des secteurs clés comme les soins palliatifs.
Cette initiative souligne l’importance des principes d’organisation et de gestion déployés par le CH de Bourges, qui s’inscrivent dans l’esprit des hôpitaux « magnétiques ». Cependant, pour que ces transformations portent pleinement leurs fruits, un effort massif de recrutement et d’organisation demeure indispensable.
Aller plus loin en s’inspirant des hôpitaux « magnétiques »
Origine et définition du concept d’Hôpital “magnétique” (Magnet Hospital)
Les hôpitaux « magnétiques », un concept né dans les années 1980 aux États-Unis sous l’égide de l’American Nurses Credentialing Center (ANCC), visent à créer des environnements de travail attractifs et performants pour les soignants.
Ce modèle repose sur plusieurs principes clés :
- Des ratios soignants/patients optimaux pour éviter l’épuisement des équipes tout en fournissant des soins de qualité;
- Un leadership participatif, où les soignants sont impliqués dans les décisions stratégiques;
- Une reconnaissance professionnelle accrue au travers d’actions de formation continue et d’une valorisation des compétences;
- Une amélioration constante des pratiques via l’innovation et les outils numériques.
Les études sur le sujet montrent des résultats probants. Ces établissements attirent davantage de soignants, affichent des taux de satisfaction plus élevés parmi les patients et réduisent les coûts liés aux soins prolongés ou aux erreurs médicales.
Impact mesuré dans d’autres pays
En Australie, l’application de ratios optimaux dans les hôpitaux a montré des résultats concrets significatifs, en lien avec le concept d’hôpital magnétique.
Dans l’État du Queensland, une étude menée dans 55 hôpitaux ayant instauré un ratio d’un infirmier pour quatre patients a révélé une diminution de 7 % du risque de décès, jusqu’à 30 jours après la sortie, et une baisse équivalente du risque de réadmission dans les sept jours.
À New South Wales, des ratios basés sur une formule d’heures minimum de soins infirmiers par patient ont permis une réduction des complications graves et une diminution notable de la durée de séjour à l’hôpital.
Ces exemples illustrent que l’amélioration des ratios soignants-patients est non seulement bénéfique pour la qualité des soins, mais également rentable pour les établissements de santé.

Comment la loi française peut poser les bases d’un “modèle magnétique”
La loi sur les ratios constitue un premier pas essentiel vers un système hospitalier plus équilibré et performant. Cependant, pour que son impact soit pleinement réalisé, elle doit s’accompagner de réformes organisationnelles ambitieuses, d’investissements dans la formation et dans l’adoption de modèles inspirés des hôpitaux « magnétiques ».
Ces modèles novateurs ont montré qu’en intégrant des principes tels que la reconnaissance des compétences, le management participatif et l’amélioration continue des pratiques, il est possible d’accroître l’attractivité des métiers hospitaliers. En outre, ces approches favorisent la satisfaction des soignants et la qualité des soins dispensés.
Les hôpitaux français de demain devront s’inscrire dans une logique systémique, alliant qualité des soins, bien-être des soignants, et respect de l’environnement. Pour la France, l’enjeu est de taille : transformer l’essai et faire de cette réforme en un levier durable de changement.
Les défis et opportunités pour un système durable
Les défis à relever après l’adoption de loi ratios soignants/patients
Pour atteindre les objectifs ambitieux de la loi, plusieurs défis majeurs doivent être relevés. Tout d’abord, le recrutement constitue une priorité essentielle : avec 60 000 postes infirmiers vacants, il devient impératif d’attirer de nouveaux talents tout en assurant leur formation adéquate. En parallèle, la formation continue des soignants déjà en poste est cruciale pour garantir la montée en compétences et répondre aux exigences accrues de qualité des soins.
Sur le plan financier, bien que l’investissement initial soit estimé à environ 1 milliard d’euros, les économies attendues à moyen terme, grâce à la réduction des complications et des durées de séjour, soulignent le caractère rentable de cette réforme. Cependant, ces efforts devront être rigoureusement suivis pour éviter que le manque actuel d’effectifs ne freine sa mise en œuvre.
Les syndicats, tels que le SNPI et le SNPHARE, perçoivent cette loi comme une « lueur d’espoir », estimant qu’elle pourrait amorcer un cercle vertueux en rendant les métiers hospitaliers plus attractifs. Toutefois, certaines fédérations hospitalières, comme la Fédération hospitalière de France (FHF), expriment des réserves, jugeant les défis organisationnels et humains considérables.
Le ministre de la Santé, Yannick Neuder, a également souligné l’importance d’accompagner cette transition par des ajustements législatifs et des mécanismes de suivi efficaces. Enfin, pour garantir un déploiement rapide et coordonné, l’inscription de la loi au Journal Officiel apparaît comme une étape incontournable.
« Cette réforme est un choix historique, mais elle nécessitera des moyens solides et un suivi rigoureux pour atteindre ses objectifs » Thierry Amouroux – porte-parole du SNPI
Quelle contribution pour les experts de l’organisation de la santé ?
Pour faire de la réforme des ratios soignants/patients un véritable levier de transformation, des organisations comme Hippocrate Développement jouent un rôle central. Spécialisées dans l’organisation de la santé, elles apportent un soutien stratégique essentiel aux hôpitaux pour leur permettre de relever les défis organisationnels et humains posés par cette réforme.
Leur action s’articule autour de trois axes principaux :
- Planification stratégique : aider les établissements à structurer leurs organisations pour respecter les ratios tout en renforçant leur attractivité. Cette anticipation est cruciale pour garantir la stabilité des équipes et améliorer les conditions de travail.
- Mise en place d’une culture magnétique : introduire des pratiques innovantes inspirées des hôpitaux magnétiques, telles que le leadership participatif ou la reconnaissance accrue des compétences des soignants. Ces initiatives permettent de motiver les équipes et de créer un environnement de travail stimulant.
- Conduite du changement : accompagner les établissements dans l’adoption de procédés organisationnels modernes et d’outils numériques. Cet axe vise à optimiser les processus de gestion, à favoriser l’adhésion des équipes et à mesurer l’impact des transformations grâce à des indicateurs de performance fiables.
En intégrant ces dimensions, un accompagnement de ce type offre une approche globale pour aider les hôpitaux à répondre aux exigences légales tout en préparant les bases d’un modèle organisationnel inspiré des hôpitaux magnétiques.
Transformer l’essai pour un avenir hospitalier durable et performant
La loi sur les ratios soignants/patients représente une avancée sans précédent pour le système de santé français. En répondant à une crise structurelle historique, elle pose les bases d’une meilleure organisation des hôpitaux et d’une prise en charge renforcée des patients. Cependant, pour que cette réforme tienne toutes ses promesses, elle devra être accompagnée d’efforts résolus : un recrutement massif, des investissements dans la formation continue et des réformes organisationnelles ambitieuses inspirées des hôpitaux « magnétiques ».
Les expériences internationales aux USA, en Australie et en Corée du Sud montrent que l’adoption de ratios optimaux, combinée à des environnements de travail attractifs, peut transformer non seulement la qualité des soins mais aussi la perception des carrières hospitalières. En s’appuyant sur ces modèles et en impliquant des acteurs clés comme Hippocrate Développement, la France peut faire de cette réforme un exemple de réussite à l’échelle mondiale.
L’enjeu dépasse la simple application d’une loi : il s’agit de bâtir un système hospitalier à la fois performant, humain et durable.
Où en est la mise en œuvre de la loi neuf mois après son adoption ?
[Mise à jour du 23/10/2025]
Neuf mois après sa promulgation sous le nom de loi n°2025-74 du 29 janvier 2025, la réforme des ratios soignants/patients, aussi appelée loi Jomier, avance à un rythme plus lent que prévu.
Si les fondations administratives ont été posées, la mise en œuvre opérationnelle reste encore largement à construire.
Un cadre fixé mais des retards administratifs persistants
La Haute Autorité de Santé (HAS), chargée d’établir les référentiels de ratios, n’a été officiellement saisie que le 4 juillet 2025, soit plus de cinq mois après la promulgation. La lettre de mission, signée par la ministre du Travail, de la Santé, des Solidarités et des Familles, précise que les travaux porteront d’abord sur les infirmiers et aides-soignants, avant d’être élargis à l’ensemble des professionnels médicaux et paramédicaux.
Trois spécialités prioritaires ont été identifiées pour une application au 1er janvier 2027 :
- la néonatalité,
- la psychiatrie,
- et les soins palliatifs.
Les ratios seront définis sous forme de fourchettes, afin de tenir compte des spécificités locales des établissements.
En octobre 2025, la HAS a lancé un appel à candidatures pour recruter un chef de projet et un chargé de mission dédiés, confirmant le démarrage effectif des travaux.
Cependant, aucun décret d’application ni avis officiel de la HAS n’a encore été publié.
Des inquiétudes sur la faisabilité et le calendrier
À quatorze mois de l’entrée en vigueur prévue (janvier 2027), syndicats et parlementaires alertent sur les retards accumulés.
Le SNPI, la FHF et plusieurs élus soulignent les défis à venir : il faudrait recruter entre 60 000 et 150 000 soignants supplémentaires pour respecter les futurs ratios, dans un contexte où 60 000 postes infirmiers restent vacants.
Le coût global de la mesure est estimé à plusieurs milliards d’euros, une enveloppe qui interroge alors que le PLFSS 2025 impose des économies au secteur hospitalier.
Autre point de tension : le mécanisme d’alerte prévu par la loi. Contrairement aux ratios de sécurité, le non-respect des ratios de qualité pendant plus de trois jours entraînera uniquement une information obligatoire à l’ARS, sans possibilité de fermeture de service. Certains observateurs s’interrogent sur l’effectivité réelle de ces ratios s’ils ne sont pas opposables.
Une étape cruciale à venir
L’année 2026 s’annonce décisive : la remise de l’avis de la HAS, attendue dans les prochains mois, conditionnera la publication des décrets d’application et la préparation concrète des établissements.
Sans cet avis, la réforme ne pourra pas entrer en vigueur au 1er janvier 2027, date butoir inscrite dans la loi.
Malgré les obstacles, la majorité des acteurs du secteur — syndicats, ordres professionnels, fédérations — continuent de voir dans cette loi une avancée structurante vers un système hospitalier plus attractif et mieux organisé.
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