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La santé ne se résume pas à l’absence de maladie. Elle dépend de multiples facteurs, dont 80 % relèvent de notre environnement, de nos interactions sociales et de nos comportements. Ces déterminants peuvent être influencés par un ensemble de capacités que chacun peut développer : les compétences psychosociales (CPS).
Ces compétences, définies par l’Organisation mondiale de la santé et structurées par Santé publique France dans un référentiel actualisé en 2025, regroupent les aptitudes cognitives, émotionnelles et sociales qui permettent de faire face aux défis du quotidien, d’entretenir des relations positives et de préserver son bien-être.
Dans un contexte marqué par une dégradation préoccupante de la santé mentale, notamment chez les jeunes, et par la montée des inégalités sociales, les CPS apparaissent comme un socle essentiel pour renforcer la santé globale. Leur déploiement est aujourd’hui au cœur des stratégies nationales de prévention et de promotion de la santé.
Cet article propose de comprendre pourquoi les compétences psychosociales sont devenues un enjeu central, ce qu’elles recouvrent réellement, quels effets prouvés elles produisent et comment les développer efficacement dans tous les milieux de vie.
Sommaire
- Pourquoi parle-t-on autant des compétences psychosociales aujourd’hui ?
- Que recouvrent réellement les compétences psychosociales ?
- Un impact démontré : santé mentale, réussite éducative, cohésion sociale
- Comment développer les CPS de manière efficace ?
- Les compétences psychosociales, socle d’une santé globale durable
- L’expertise d’Hippocrate Développement au service des territoires
Pourquoi parle-t-on autant des compétences psychosociales aujourd’hui ?
Une urgence sanitaire, éducative et sociale
En France, un adulte sur cinq est concerné par des troubles psychiques, et la majorité de ces troubles débute dès l’adolescence : 75 % apparaissent avant 24 ans. Cette réalité s’est accentuée ces dernières années, avec une forte dégradation de la santé mentale des jeunes. Le taux de dépression chez les 18–24 ans est passé de 11,7 % en 2017 à 20,8 % en 2021, tandis que les admissions pour tentative de suicide chez les adolescents ont bondi de plus de 40 % en un an.
Ces chiffres traduisent une détresse profonde mais aussi une pression croissante sur les systèmes éducatifs, sociaux et de santé. Les maladies psychiatriques représentent aujourd’hui le premier poste de dépenses de l’Assurance Maladie, avec près de 25 milliards d’euros par an.
Dans ce contexte, le développement des compétences psychosociales (CPS) apparaît comme une réponse à la fois préventive, éducative et sociale. En renforçant la capacité des individus à comprendre leurs émotions, à réguler leur stress, à interagir positivement avec les autres et à faire face aux difficultés du quotidien, les CPS contribuent à prévenir l’apparition de troubles et à soutenir le bien-être dès le plus jeune âge.
Une priorité inscrite dans les stratégies nationales
Face à l’urgence sanitaire et sociale, les compétences psychosociales (CPS) ont progressivement été intégrées dans les politiques publiques françaises, jusqu’à devenir un axe structurant des stratégies nationales de santé, d’éducation et de prévention.
Dès 2018, leur développement était mentionné dans plusieurs feuilles de route et plans nationaux : « Priorité prévention », stratégie santé mentale et psychiatrie, stratégie nationale de santé sexuelle ou encore plan national de mobilisation contre les addictions. Mais c’est à partir des Assises de la santé mentale de 2021 qu’un changement d’échelle s’est opéré, avec l’engagement d’une stratégie interministérielle de déploiement des CPS sur quinze ans.
Formalisée dans l’instruction du 19 août 2022, cette stratégie vise un objectif générationnel : faire en sorte que la génération 2037 soit la première à grandir dans un environnement continu de développement des compétences psychosociales, dans tous les milieux de vie – école, famille, santé, loisirs, insertion, travail.
Cinq axes structurent cette stratégie nationale :
- Confier aux territoires la coordination du déploiement des interventions ;
- Former et accompagner les professionnels au contact des enfants, des jeunes et des familles ;
- S’appuyer sur les données probantes pour concevoir les interventions ;
- Mettre en place un système national de suivi et d’évaluation ;
- Créer un cadre institutionnel pérenne pour soutenir ces dynamiques jusqu’en 2037.
Un référentiel commun, élaboré par Santé publique France en 2022 puis enrichi en 2025, accompagne cette stratégie pour garantir une approche cohérente et fondée sur les connaissances scientifiques actuelles.

Que recouvrent réellement les compétences psychosociales ?
Une définition unifiée, entre cognition, émotion et relation
Les compétences psychosociales (CPS) sont définies comme des capacités essentielles à la vie quotidienne, qui permettent à chacun de faire face de manière efficace aux exigences, tensions et défis de l’existence. Cette définition, initialement formulée par l’Organisation Mondiale de la Santé, a été reprise et précisée dans le cadre français par Santé Publique France et le gouvernement, afin d’en garantir une mise en œuvre cohérente.
Selon le référentiel national publié en 2022 et actualisé en 2025, les CPS désignent :
« un ensemble cohérent et inter-relié de capacités psychologiques (cognitives, émotionnelles et sociales), impliquant des connaissances, des processus intrapsychiques et des comportements spécifiques, qui permettent d’augmenter l’autonomisation et le pouvoir d’agir, de maintenir un état de bien-être psychique, de favoriser un fonctionnement individuel optimal et de développer des interactions constructives »
Les CPS sont donc à la croisée de trois dimensions :
- Cognitive, avec la capacité à se connaître, réfléchir de manière critique, prendre des décisions éclairées ;
- Émotionnelle, avec la reconnaissance, l’expression et la régulation des émotions et du stress ;
- Sociale, avec les aptitudes à communiquer, à établir des relations constructives et à résoudre des conflits.
Elles ne se limitent pas à des savoir-être abstraits : elles mobilisent des processus mentaux identifiables, des postures éducatives et des compétences observables, qui peuvent être accompagnés, travaillés et renforcés dans des contextes variés, notamment à l’école, en famille ou dans les lieux de vie des jeunes.
Une nouvelle classification opérationnelle en 6 compétences générales
Depuis 2025, Santé Publique France propose une nouvelle structuration des compétences psychosociales (CPS), désormais regroupées en 6 compétences générales (contre 9 en 2022) réparties selon une progression pédagogique en deux étapes :
→ d’abord la compréhension et l’acceptation,
→ puis la régulation et l’accomplissement.
Chaque domaine – cognitif, émotionnel et social – est structuré selon cette logique, permettant un apprentissage progressif, adapté à l’âge et au niveau de développement de la personne.
|
Domaine |
Phase 1 (Compréhension) |
Phase 2 (Régulation) |
|
Cognitif |
Renforcer sa conscience de soi | Renforcer sa maîtrise de soi et son accomplissement |
|
Émotionnel |
Renforcer sa conscience des émotions | Réguler ses émotions et son stress |
| Social | Développer des relations constructives | Résoudre des difficultés relationnelles |
Chaque compétence générale se décline en 3 à 5 compétences spécifiques, soit un total de 20 compétences spécifiques, à leur tour associées à 55 savoirs/savoir-faire psychologiques concrets, observables et transférables.
Cette structuration permet une mise en œuvre pédagogique rigoureuse, un meilleur suivi des acquis et une évaluation fine des progrès. Elle constitue le cadre de référence officiel pour les formations, outils et projets territoriaux de développement des CPS.
Un impact démontré : santé mentale, réussite éducative, cohésion sociale
Une triple influence sur la santé globale
Le développement des compétences psychosociales (CPS) exerce une influence documentée sur trois dimensions clés de la santé globale : mentale, physique et sociale. Cette approche est au cœur des recommandations de l’Organisation Mondiale de la Santé et du référentiel opérationnel de Santé Publique France, qui la considère comme un levier d’action prioritaire pour améliorer le bien-être individuel et collectif.
Santé mentale
Les CPS constituent un facteur de protection face aux troubles psychiques. Elles renforcent l’estime de soi, la résilience et la capacité à faire face aux événements stressants. Plusieurs études montrent qu’elles permettent de réduire les symptômes d’anxiété et de dépression et de prévenir l’apparition de comportements à risque (consommation de substances, conduites violentes, etc.).
Santé physique
En favorisant une meilleure gestion du stress et des émotions, les CPS contribuent indirectement à la santé physique. La régulation émotionnelle et la maîtrise de soi sont associées à une meilleure observance des soins, une adoption plus durable de comportements favorables (activité physique, alimentation équilibrée, sommeil) et une diminution des effets physiologiques du stress chronique sur l’organisme
Santé sociale
Enfin, les CPS améliorent la qualité des relations interpersonnelles, réduisent les comportements agressifs ou violents et facilitent la coopération. Elles renforcent la capacité à créer des liens sociaux de qualité, essentiels au bien-être collectif et à la cohésion des communautés. À l’échelle scolaire, elles participent à un climat plus apaisé et inclusif, favorable à la réussite éducative et à la prévention du harcèlement
Des bénéfices prouvés par les données scientifiques
De nombreuses études, synthétisées par Santé Publique France et les organismes partenaires, démontrent que les compétences psychosociales (CPS) améliorent durablement la santé, les apprentissages et la cohésion sociale, et ce dans des contextes variés.
Prévention des troubles psychiques
Les programmes CPS introduits dès l’enfance réduisent significativement les symptômes d’anxiété et de dépression, tout en renforçant l’estime de soi et la résilience.
- Programme Life Skills Training (LST) : évalué dans plusieurs pays, il montre une baisse de 40 % de l’usage du tabac, 30 % de l’alcool et 25 % du cannabis chez les adolescents suivis.
- Programme CDSMP (Chronic Disease Self-Management Program) : chez les adultes, il améliore la gestion des maladies chroniques, réduit la douleur, les symptômes dépressifs et améliore la qualité de vie.
Réussite éducative et climat scolaire
Les interventions socio-émotionnelles en milieu scolaire produisent des effets mesurables sur les apprentissages.
- Les programmes de Social and Emotional Learning (SEL) analysés dans 53 pays montrent en moyenne +11 points de progression des résultats scolaires, avec une baisse significative de l’anxiété et des comportements violents.
- En France, les projets intégrant les CPS améliorent le climat scolaire, réduisent les conflits et renforcent la coopération entre élèves et enseignants.
Effets économiques et sociétaux
Les bénéfices dépassent l’échelle individuelle : ils se traduisent par un impact positif sur les dépenses publiques.
- Les analyses économiques internationales rapportent un retour sur investissement moyen de 11 $ pour chaque dollar investi, pouvant atteindre 50:1 pour certains programmes optimisés comme LST.
- Ces résultats s’expliquent par la diminution des coûts liés aux addictions, à la violence, aux troubles psychiques et à l’échec scolaire, ainsi que par l’augmentation de la productivité et de l’intégration sociale à long terme.
Comment développer les CPS de manière efficace ?
Les conditions-clés d’efficacité des interventions
Toutes les interventions sur les compétences psychosociales ne se valent pas. Les travaux de Santé Publique France identifient plusieurs facteurs déterminants qui conditionnent leur réussite. Ces critères concernent autant le contenu des actions que leur mise en œuvre dans les milieux de vie.
Des interventions fondées sur les données probantes
Pour produire des effets durables, les programmes CPS doivent s’appuyer sur les connaissances scientifiques actuelles. Santé Publique France recommande d’utiliser des interventions fondées sur des données probantes (evidence-based) et validées par des évaluations rigoureuses.
Une approche SAFE
Le référentiel 2025 reprend l’acronyme SAFE, qui décrit les caractéristiques d’un programme efficace :
- Séquencé : les compétences sont travaillées dans un ordre logique, de la compréhension à la régulation ;
- Actif : les participants s’impliquent dans des activités concrètes, mises en situation, jeux de rôle, projets collectifs… ;
- Focalisé : chaque séquence cible une compétence précise, avec des objectifs clairs ;
- Explicite : les apprentissages sont expliqués, verbalisés, consolidés, plutôt que laissés implicites.
Des pédagogies empiriques et participatives
Les méthodes actives, centrées sur l’expérimentation et la réflexion personnelle, sont privilégiées. Elles permettent d’ancrer les apprentissages en mobilisant l’expérience des participants. Les approches magistrales, uniquement descendantes, se révèlent beaucoup moins efficaces.
Une cohérence éducative
Les CPS ne se développent pas en vase clos. Leur acquisition est renforcée lorsqu’elles sont travaillées dans plusieurs milieux de vie (école, famille, structures de loisirs, santé…) et portées par des adultes formés. La cohérence entre les messages et pratiques éducatives dans ces différents environnements est un facteur clé de réussite.
L’importance des milieux de vie et de la cohérence éducative
Le développement des compétences psychosociales (CPS) ne peut se limiter à une série d’ateliers ponctuels. Il repose sur une approche globale, qui prend en compte l’ensemble des environnements dans lesquels évoluent les enfants, les jeunes et, plus largement, les individus tout au long de leur vie.
Les CPS se construisent d’abord dans la famille, puis dans les structures éducatives et sociales et enfin dans les contextes professionnels ou de santé. Pour être efficaces, les interventions doivent :
- s’inscrire dans le quotidien des bénéficiaires,
- impliquer activement les adultes de référence (enseignants, animateurs, éducateurs, professionnels de santé…),
- favoriser la continuité des apprentissages entre les différents lieux de vie.
Le référentiel opérationnel 2025 souligne que les adultes au contact des enfants et des jeunes ne sont pas seulement des transmetteurs d’outils. Leur posture éducative, leur capacité à modéliser les compétences psychosociales et à instaurer un climat bienveillant sont des leviers essentiels de réussite
Les CPS ne se développent pleinement que lorsque les environnements sont sûrs, bienveillants et structurants. Cela implique des règles claires et justes, des relations positives entre pairs et avec les adultes, un climat propice à l’expression des émotions et à la coopération.
Déploiement territorial : vers une dynamique systémique
Le développement des compétences psychosociales (CPS) ne peut reposer uniquement sur des initiatives isolées. L’instruction interministérielle du 19 août 2022 insiste sur la nécessité d’une coordination territoriale afin d’assurer la cohérence des actions et leur pérennité. Cette approche systémique vise à mobiliser l’ensemble des acteurs locaux, à articuler les politiques publiques et à créer des environnements favorables dans tous les milieux de vie.
Une coordination structurée à l’échelle locale
Pour soutenir le déploiement des CPS, des instances de pilotage locales – comme les comités territoriaux (COTER) – sont mises en place dans chaque département. Leur rôle est de coordonner les interventions, d’assurer la cohérence méthodologique et d’adapter les actions aux besoins spécifiques des populations. Les collectivités, les Agences Régionales de Santé (ARS), les services de l’Éducation nationale et les acteurs associatifs y sont représentés.
L’implication de multiples parties prenantes
Le développement des CPS nécessite la mobilisation conjointe de nombreux secteurs : éducation, santé, social, jeunesse, mais aussi collectivités locales et institutions culturelles ou sportives. Cette mobilisation intersectorielle permet de créer des synergies et d’éviter la fragmentation des interventions. Elle garantit également que les actions s’intègrent dans une logique de prévention globale.
Une cohérence avec les politiques nationales
Les actions territoriales doivent s’inscrire dans le cadre stratégique défini par l’État. La stratégie nationale 2022–2037 prévoit ainsi un déploiement progressif des CPS dans tous les milieux de vie, soutenu par un référentiel commun et des outils d’évaluation. L’objectif est que chaque territoire développe une offre cohérente et accessible à l’ensemble des enfants et des jeunes, tout en réduisant les inégalités sociales de santé.

Les compétences psychosociales, socle d’une santé globale durable
Les compétences psychosociales constituent un levier majeur pour agir sur les déterminants de santé. En renforçant la capacité des individus à comprendre leurs émotions, à interagir positivement et à faire face aux difficultés du quotidien, elles influencent en profondeur la santé mentale, physique et sociale. Elles agissent comme des « déterminants des déterminants », capables d’améliorer la santé globale tout en réduisant les inégalités et en renforçant la cohésion sociale.
Pour les acteurs de santé, d’éducation et de prévention, l’enjeu est clair : intégrer le développement des CPS dans les projets de territoire, les formations et les politiques jeunesse. Cela implique de s’appuyer sur les référentiels nationaux, d’adopter des approches fondées sur les données probantes et de créer des environnements cohérents, favorables aux apprentissages.
L’expertise d’Hippocrate Développement au service des territoires
Chez Hippocrate Développement, nous sommes convaincus que cette transformation ne peut réussir qu’avec des méthodes rigoureuses, des outils adaptés et un ancrage territorial fort. Depuis plus de 15 ans, nous accompagnons collectivités, établissements, réseaux et professionnels dans la structuration de parcours, le déploiement d’interventions fondées sur les données probantes et la formation des acteurs de terrain.
Concrètement, nous pouvons :
- former et outiller les professionnels pour intégrer les CPS dans leurs pratiques quotidiennes, selon les référentiels nationaux ;
- structurer et évaluer les projets CPS, en assurant cohérence méthodologique, ancrage local et qualité des actions ;
- fédérer les parties prenantes (éducation, santé, social, jeunesse, collectivités) autour de dynamiques concertées ;
- soutenir les démarches de coordination territoriale, en lien avec les politiques publiques et les besoins spécifiques des populations.
Nous croyons profondément que le développement des compétences psychosociales est une réponse concrète, mesurable et transformatrice aux enjeux de santé mentale et de justice sociale. Et nous sommes prêts à construire, avec les acteurs des territoires, des solutions solides et durables.
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